Nahuel Passerat


Reus ➡️ Monastère Saint Pere de Rodés 373km 5213m d+
Suite à un second IRM fin février qui confirme le premier et la fin du trail. Je recommence à allonger les distances à vélo en espérant que mon dos me laisse tranquille. Il me faut un challenge et Kromvojoj organisé entre autres par mes amis par @arrieredupeloton et @uri_hergo tombe à point nommé. Encore merci à eux de m’avoir laissé un délai supplémentaire pour m’inscrire après un dernier test sur un week-end de bikepacking. La seule inconnue qui reste est de choisir sa monture. Malheureusement l orbea terra m20i doit repartir en sav. A toute hâte je récupère mon factor ls que je dois de suite modifier pour le configurer moins race. Suite à mon retour d’expérience de la two volcano j’investis dans une roue dynamo et une tige de selle ergon pour soulager mon dos. Au vu des prévisions météo je décide de prendre ma goretex 3 couches et mes gants d alpinisme. Je prends la route samedi après un dernier petit-déjeuner en famille. Très vite je tombe sur la neige à 1400m dans les Pyrénées sachant qu’on va passer lors de la course à plus de 2000m. Arrivé à Reus, accueilli par mes amis Jo et Malvina, je rejoins le site de départ pour les derniers préparatifs. Je retrouve avec grand plaisir Bruno avec qui on se remémore les merveilleux souvenirs de la two volcano.

Le départ prévu à 20h est retardé de quelques minutes suite à une grosse pluie, le temps que chacun enfile sa goretex. Après une traversée de ville escortée par la police, nous sommes partis à l’aventure. Nous restons en peloton jusqu’au 50e km puis nous devons nous séparer.

Je roule au même rythme que le toulousain Valentin Robe avec qui je fais connaissance. Bruno nous rejoindra rapidement ce qui marquera la création de La french Mafia dixit Marc qui rejoint notre quator. La pluie s’estompe et la nuit froide et humide défile. Il nous tarde le premier petit-déjeuner de l’aventure. Ce moment réconfortant après la nuit est toujours très apprécié. On dévalise un forn de pa à Gerone avant de repartir direction la Costa Brava via une longue partie de transition plate. Depuis le départ nous faisons face à un fort vent du nord qui nous laisse peu de répit. Le relief redevient intéressant avec un premier vol pour redescendre sur la Selva de Mar et attaquer la montée au Cp1 : Le Monastère. Je connais cette montée pour l’avoir reconnu avec greg et flo dans notre week-end bikepacking.
Bruno qui avait été distancé sur la fin de la partie plate nous dépose sur place dans cette montée. Je finis la montée à mon rythme pour atteindre le sommet ou Bruno s’apprête à repartir. Je sais que sauf incident je ne le reverrai pas avant Reus.

Monastère Sant Pere de Rodés ➡️ Port de la Bonaigua 431km 9000m d+
Je prends le temps de me changer avec ma tenue de jour même s’il est déjà dimanche midi. Un bénévole lubrifie ma chaîne pendant ce temps-là. Comme on s’attend à n’avoir aucune aide, dès que quelqu’un nous aide ça devient un vrai luxe. S’attaque la redescende toujours vent de face vers le village suivant où je sais qu’il y a un vrai allié pour nous dans nos épreuves : les kebabs. Je gare mon vélo devant et je rentre pour me faire un bon repas avant d’attaquer cette partie qui est la plus dure du parcours. Un kebab sur place, un à emporter, idem pour le coca avec un double expresso en guise d’apéritif ! Mon vélo devant attire Valentin qui se joint à moi avec une commande quasi similaire. Étienne nous rejoint ensuite et nous fait part de l’accident de son ami Damien avec qui il était venu.
L’ultra cycling est une pratique à haut risque et cet événement nous le rappelle. Heureusement plus de peur que de mal d’après le retour de son ami.

Je repars avec Valentin mais rapidement avec le vent de face je me détache. J’avance en terrain connu et je sais que je vais devoir m’arrêter à la Jonquera pour me racheter des barres car mon stock est à sec. Tout à coup ma roue se bloque. Je ne comprends pas ce qui se passe. Je pense que c’est ma dynamo bref rien à faire. Valentin revient sur moi me demande si tout est OK et à ce moment je comprends d’où vient le souci : mon varia avait bougé et bloqué ma roue. Je l’ai sacrément poncé le varia !! J’arrive rapidement à la jonquera, magnifique bourgade connue pour ses monuments historiques 🤣🤣 Je m’arrête au supermarché faire le plein de turon, de snickers et de bounty car il n’y a pas une barre de céréales dans les rayons. Bref en ultra cycling on fait avec ce que l’on trouve. Toutes ces sucreries m’avaient brûlé le palais à la Two Volcano mais il faut du carburant. Je connais la partie à venir même si des parties que l’on avait fait en reco ont été supprimées et j’attaque une longue montée de 20 km pour basculer dans les PO.

Pour la première fois le sommeil se fait ressentir et je décide donc de m’arrêter dans un abribus pour ma première pose dodo. Il est environ 15h je mets le réveil sur 12 minutes et je m’endors à même le sol car le banc est trop petit. Au bout de 10 min je me réveille en forme
et je repars à l’assaut du premier très long col. La montée se passe bien, à mon rythme et celui de mes playlists spotify ! Je m’ambiance seul et ça permet de mettre du rythme. Je bascule en France et j’attaque une longue descente en bas de laquelle je retrouve Marc qui m’avait doublé durant l’un de mes arrêts. On repart ensemble vers la longue et difficile montée au col d’ares avec encore quelques nouveautés que je n’avais pas fait en reco. Les jambes vont bien et j’attaque la montée à bon rythme ce qui me permet de reprendre Valentin.
Malheureusement il doit s’arrêter regonfler ses pneus et je me retrouve de nouveau seul. La première partie se passe bien, mais la seconde est plus laborieuse. Je bascule dans une longue descente vers Camprodon où je commence déjà à réfléchir à ma nuit.
Je m’arrête à une station service acheter des cartouches pour la nuit : jambon serrano et redbull. C’est bien les seuls moments où je bois ce truc mais il doit avoir un effet placebo non négligeable.

Je remonte un premier col puis un second avant la tombée de la nuit. Je gare mon vélo au panneau et je vais satisfaire un besoin naturel quand Marc atteint ce col. On décide de descendre ensemble à Ripoll, de manger un bout chaud et de dormir avant d’attaquer l’une des plus longues montées du parcours, celle du Coll de la Creueta via La Molina. On arrive à Ripoll au moment où est lancé un magnifique feu d’artifice. On trouve un kebab ouvert pour se restaurer et se changer en prévision de la nuit. On met toutes nos affaires chaudes et on part à la recherche d’un spot pour dormir. A défaut de distributeur de banque on se rabat vers un abri bus. Je n’ai pas de matelas gonflable juste un bivy de secours. Marc lui en a un et m’annonce qu’il veut dormir 4h. Je lui dis que moi je pars pour deux cycles de sommeil soit 3h. Le but en ultra est de s’endormir le plus rapidement possible. J’ai de la chance, je m’endors rapidement. 1h30 après je me réveille naturellement ou plutôt car la terre battue n’est pas confortable. Je m’écarte de mon ami et me prépare pour reprendre la route. La guardia civil débarque et je leur explique le pourquoi du comment devant la situation qui les laisse perplexe. Ils réveillent Marc qui me souhaite bonne chance avant de se rendormir.

Il est 2h du matin, je repars, la montée est longue surtout avec le vent de face car je dois m’employer pour avancer. Plus je monte, plus il est fort et les températures baissent. La fin du premier col dont 2 km à 12% avec le vent de face est épique mais ce n’est rien avec ce qui m’attend. Juste avant de basculer je finis de m’équiper car les températures approchent le 0°C au garmin et l’humidité grandit. Au moment de basculer je me rends compte que sur l’autre versant il fait un mélange de pluie et de neige avec des rafales à 100km/h. Je m’abrite avec la paroi pour enfiler la fin de ma tenue de combat : les gants d’alpinisme, la gore tex 3 couches, le pantalon et les sur chaussures gore tex. J’attaque la remontée à la Creueta dans une ambiance sacrément rock’n’roll. Arrivé péniblement au col aux alentours des 5h du matin, j’attaque la descente à environ 8% mais j’ai toute la peine du monde à rester sur mon vélo et mon garmin indique 8km/h ! Bref je monte aussi vite que je descends.

Les 20 km de descente ont été un enfer. Je traverse un premier village mais malheureusement tout est fermé. Dans le second village il y a une boulangerie avec le rideau légèrement levé. Je me baisse pour frapper et au bout de quelques minutes la boulangère m’ouvre et m’accueille chaleureusement. Après un petit déjeuner revigorant, je reprends ma route au petit matin. Il fait soleil mais le fond de l’air est encore froid. J’attaque une montée dans laquelle le sommeil me rattrape et je prends donc la décision de faire comme dirait Bruno une turbo sieste de 2 min. Le Col dont j’ai oublié le nom offre un magnifique panorama sur Pedraforca. Il est l’heure de la visio du matin avec Pauline et les enfants. Ces moments me font beaucoup de bien.

Je commence à ressentir de la lassitude et il me faut absolument me recentrer sur un objectif. Je check la météo et mon objectif devient clair : arriver au port de la Bonaigua avant la nuit car les prévisions météo sont dantesques. J’ai poussé toute la journée sans m’arrêter
manger pour atteindre cet objectif qui m’a boosté. Nous passons dans le parc du Cadi avec de magnifiques routes et panoramas. J’ai pour seule compagnie les mouflons dans un environnement magnifique. Une énorme descente en lacets dans laquelle je croise l’équipe Israël-Premier Tech et Intermarché-Circus-Wanty nous ramène à la civilisation. C’est impressionnant de voir des pros dans un col, on ne fait définitivement pas le même sport.

Après une période de transition vent de face, j’attaque une montée qui de mémoire fût la plus difficile pour moi niveau jambes. Je suis fatigué et j’avance plus, bien aidé par le vent de face mais il faut continuer à avancer encore et toujours pour atteindre l’objectif du jour.
Les km passent et je retrouve une route que je connais bien, celle qui mène à Rialp. Une longue descente vers Sort dans laquelle le vent joue avec nous comme avec des pantins, les vitesses passent de 70km/h à 20km/h dès qu’on est dans le vent. Une fois à Sort on doit remonter 25 km de vallée vent de face pour atteindre le pied de la Bonaigua. J’arrive à Rialp, village qui me rappelle tellement de souvenirs grâce à la rialp matxicots. Pour l’anecdote, le prénom de ma fille, Aina, vient de cette course où l’une des jeunes bénévoles s’appelle ainsi. Malheureusement l’hôtel Victor est fermé, je m’arrête donc à la boucherie pour acheter du fromage et du jambon pour prendre des forces pour l’ascension du point culminant du parcours. Je complète ma collation avec du gaspacho et une tortilla. Il est 17h lorsque j’attaque la montée.

Surprise, on commence à monter sur un autre flanc de montagne car la montée classique ne devait pas être assez longue. Après 7 ou 8 km de montée, Tomas me rejoint en voiture et m’annonce qu’ils ont neutralisé la course au pied du col. J’économise au max ma batterie car ma dynamo n’arrive pas à recharger mon tel. Je passe ma journée en mode avion donc je n’avais pas vu l’info sur le groupe WhatsApp de la course. Je ne suis pas étonné car les prévisions météo sont mauvaises et je suis content d’avoir poussé malgré la fatigue.
Au fur et à mesure de la montée la température se refroidit et la fin du col est enneigé. Je rejoins le sommet à près de 2100m, aux alentours de 19h30 où je retrouve un bénévole, Tomas et la vidéaste. Quel grand moment d’arriver au sommet dans ces conditions et de faire tamponner ma carte de brevet.

Port de la Bonaigua ➡️ Mont Caro 455km 9308m D+
Une fois arrivé je m’équipe pour les 20 kms de descente avec toutes mes affaires chaudes au-dessus de ma goretex shakedry que j’avais pour finir la montée: je rajoute ma doudoune, le burner et ma goretex 3 couches. Je passe mon pantalon de pluie, mes sur chaussures et j’attaque la descente avant la tempête de neige. A peine arrivé à Baqueiea je suis sous des trombes d’eau, je descends prudemment sous le déluge. J’arrive à Vielha vers 20h où j’avais prévu de manger puis de reprendre un peu la route avant de dormir. J’ai toutes mes affaires chaudes sur moi, toutes humides et au vu de la température extérieure et des trombes d’eau qui tombent, je décide de prendre une chambre d’ hôtel. Je regarde les dispos et je trouve un hôtel parfaitement situé avec un local à vélo ouvert 24/24h. Le plan est simple: prendre une douche, faire sécher toutes mes affaires, charger mes batteries, manger, dormir 3h en mettant mes fesses à l’air pour les faire sécher car elles commencent à être brûlées. Dans ces moments-là on se rend compte à quel point c’est bon de prendre une douche.
Je descends au restaurant où je suis trop content de me faire une pasta que je combine avec un poke Ball. Ce plat de pâtes tricolores à la sauce tomate restera dans mes annales comme le plus dégueulasses que j’ai jamais mangé. Je remonte dans ma chambre où je règle mon réveil pour dormir 3h. Avec le confort, aucun souci pour m’endormir mais quand le réveil sonne à 2h30 du matin avec le son de la pluie sur les vitres, le plus dur est de trouver la motivation pour se lever. Enfin, je me rappelle qu’on n’est pas là pour trier les lentilles. A 3h07 je suis fin prêt et reprends la route en direction du tunnel de vielha. Je regarde le suivi et je me rends compte que Borja qui est le 4eme et dernier coureur à avoir franchi le port de la Bonaigua est désormais 40 km devant moi. Je me dis qu’avec le confort que j’ai pris je vais essayer de faire au moins 23h sur le vélo avant ma prochaine «nuit». J’arrive au tunnel de vielha où je vais pouvoir faire quelques kilomètres à l’abri de la pluie. Comme expliqué au briefing et sur les panneaux lumineux je signale ma présence via la borne sos et de suite la voie de droite devient interdite à tous les véhicules .

Je profite de l’accalmie mais à la sortie la pluie est plus violente avec le vent dans le dos et une descente à 6-7%. Là pour le coup on avance mais à 60 km/h je suis complètement aspergé par ma roue avant. Pour le moral, heureusement que les kilomètres défilent car ce n’est pas les meilleurs moments de rouler en pleine nuit trempé comme une soupe. Les premières lumières du jour arrivent en même temps que la pluie cesse. Je passe dans un village où j’en profite pour retirer mes affaires de pluie et regarder le suivi live pour me rendre compte que Borja est désormais juste derrière moi. J’attaque une montée dans un canyon, avec le lever du jour c’est magnifique. Il me tarde de trouver un village pour me faire le traditionnel petit déjeuner d’ultra.
J’arrive à la Pobla de Segur et malheureusement les forn de pa ne sont pas encore ouverts. Il y a un employé municipal qui travaille, je lui demande où je peux trouver une boulangerie, il m’indique une petite rue avec un boulanger qui travaille dans son fournil.
Je trouve une porte ouverte sur un four à pain et un boulanger en plein boulot qui m’accueille à bras ouverts. Je vais vivre un grand moment dans ce fournil en toute simplicité avec la dégustation d’une coca constituée d’une pâte à pain fine et croustillante avec des poivrons dessus. Il me coupe une moitié et me prépare l’autre moitié à emporter. Je vais finalement tout manger puis je vais déguster une autre coca sucrée cette fois-ci à l’anis. Son chat est très intéressé par mes victuailles, quant à nous on discute de playlist spotify.
Je prends une coca salée à emporter et je décolle direction un café pour compléter le petit déjeuner, un quadruple espresso et un chocolat chaud que je trouverais à Tremp. Je fais une visio avec les enfants mais malheureusement ils sont déjà à l’école. Après cette pause je reprends la route derrière Borja ; et Valentin qui a été aiguillé sur un itinéraire de repli.

On a quitté mes Pyrénées mais le piémont nous réserve de belles montées. Après une première montée et une descente, je vois à mon Garmin que l’on va attaquer un sacré chantier avec une montée dans une réserve naturelle de 1200m de d+ . Cette montée me rappelle la Two Volcano avec des forts pourcentages et une route en très mauvais état. Très vite, je vois Borja en point de mire. Je suis content car on va pouvoir discuter et faire connaissance. Ça va faire du bien car ça fait un moment que je n’ai pas vu d’autres coureurs. Je reviens sur lui à la mi montée et on commence à discuter . Il est aussi content que moi car ça fait un moment que lui aussi est seul. Il anime un podcast sur l’ultra cyclisme donc on n’a pas de mal à trouver des sujets de conversation.

On finit l’ascension puis on attaque la descente toujours typée Two Volcano. En bas de la descente il fait chaud et je dois recharger mes bidons. Nos chemins se séparent donc. Il est 12h, je trouve une boulangerie pour faire le plein, me faire un petit encas et me changer. Pour la première fois il fait vraiment chaud avec plus de 30° au Garmin. Je repars vers une montée puis une longue partie de 100 km plate ou presque. Après le sommet, le vent de dos nous fait du bien sur de longs faux plats descendants. Les kilomètres défilent et le thermomètre s’affole avec une pointe à 41° au Garmin. Je passe les 1000 km, cap toujours marquant car ce n’est que la deuxième fois que je le franchis.
Les longues parties de plat s’enchaînent et je suis vraiment heureux d’avoir mes prolongateurs car à 35km/h les kilomètres défilent. Par contre, autant les écarts en montagne se réduisent vite, autant sur le plat il faut des heures pour rejoindre ou se faire rejoindre.
Après quelques heures, je reçois la visite d’un dot watcher (personne qui suit via Internet l’avancée de cyclistes ou plus généralement de coureurs grâce à un GPS porté lors de courses ou d’événements sportifs). J’ai découvert à quel point cette communauté est
développée et bien organisée. Il m’indique que Borja est juste devant et qu’il y a une station service à quelques kilomètres. Il m’accompagne en me suivant avec les warnings de sa moto. Arrivé à la station, je dévalise les congélateurs de glaces et les frigos.
Au moment de repartir j’aperçois Valentin qui lui aussi va faire une descente dans les congélateurs de la station. Je ne l’avais pas revu depuis la partie française. Il me raconte l’arrêt de la course, ses anecdotes et moi les miennes .

On repart vers une nouvelle partie plane. On se dit qu’on va essayer de pousser jusqu’au Mont Caro. D’après nos estimations on y sera vers 1h du mat. On réfléchit déjà dans quel ordre on va passer au Pic puis au refuge. On est loin de se douter de ce qui nous attend.
En fin d’après-midi on retrouve des pentes en attaquant les coteaux du Priorat, cette appellation de vin que j’affectionne tant et dont les paysages sont aussi beaux que leur vin rouge est bon. Encore une fois dès les premières pentes on retrouve Borja en point de mire.
On se retrouve rapidement, et l’une des premières choses que l’on fait c’est à nouveau de dévaliser une station juste avant la tombée de la nuit. J’ai vraiment peur de la déshydratation avec cette journée de chaleur qui est un facteur déclenchant de tendinite. Je me tombe un nouveau litre de gaspacho, deux glaces et du jambon serrano. Les gens sont interloqués de nous voir pique-niquer par terre devant la station avec nos têtes pas fraîches. On repart dans les vignes du Priorat avec dorénavant du vent de face. Plus on avance, plus il souffle et moins vite on avance.

Une nouvelle nuit tombe sur nous. Je ne ressens toujours pas de fatigue. Je suis confiant pour rouler 24h depuis mon départ de l’hôtel mais de moins en moins pour arriver à 1h du matin au Mont Caro. Malheureusement nous allons perdre Borja qui n’arrive plus à nous suivre et il va s’arrêter dormir. Les kilomètres sont horribles sur des grandes routes avec un vent de face qui fait qu’on n’avance pas une cacahuète. L’enchaînement des kilomètres sans intérêt et les heures qui passent commencent à me faire piquer du nez sur le vélo en arrivant sur Tortosa . On se fait une pause pour manger un bout, boire un redbull, saveur copacabana pour Valentin, et se préparer pour l’ascension du mont Caro. On sait qu’il y a un refuge où l’on pourra dormir plus confortablement que dans la rue qui est le cp3, donc on ne se pose pas la question et on fait ce qu’on a dit malgré nos estimations foireuses.

Il est 3h du matin et on attaque cette montée que l’on sait très difficile sans savoir ce qui nous attend. Les premiers kilomètres sont progressifs dans du 6% puis on part pour 12kms à 10% de moyenne. On se raconte nos vies pour rester éveillé mais très vite les rafales de vent s’amplifient au fur et à mesure de la montée. On est complètement déséquilibré par la force des rafales et quand on a le vent dans le dos on n’a même plus besoin de pédaler on est porté par la force du vent. Malheureusement la majeure partie de la montée se fait vent de face. Dans les derniers kilomètres de la montée on est obligé de mettre pied à terre et de pousser nos vélos car la tempête est trop forte. On se dit que peu de gens pourront imaginer les conditions extrêmes de cette montée. J’ai vécu pas mal de moments rock’n’roll en montagne mais là clairement, ça ne fait pas rire les mouettes. Il n’y a pas de discussion possible, on va directement au refuge qui n’a jamais aussi bien porté son nom. On galère à le trouver surtout que mon fessier commence à me faire mal et je dois alterner entre la fesse droite ou gauche sur ma selle . On arrive au refuge vers 5h 5h30, on prend nos affaires et on voit une frontale arriver. C’est Marc qui arrive et me serre de toutes ses forces dans ses bras, soulagé de finir cette montée en enfer ou d’enfer.

Mont Caro ➡️ Reus 155km 900m D+
On entre dans le refuge qui n’a jamais aussi bien porté son nom. Tout le monde dort, on commence à se mettre à l’aise et à brancher notre électronique. Un bénévole descend pour aller aux toilettes et il est tout surpris de nous voir ici au vu de la tempête et du suivi live qui avait bugué. Je ne le comprendrais que le lendemain mais ce bénévole est un coureur qui a dû abandonner sur un ennui mécanique et qui a proposé à l’organisation de les aider. Bruno se réveille et descend nous voir. On décide de dormir 1h30 et d’attendre le lever du jour pour repartir pour des raisons évidentes de sécurité. Seul le premier a réussi à descendre de jour en étant obligé de descendre du vélo. On va se coucher dans le dortoir de lits superposés qui me rappelle les refuges de montagne. On s’endort pour une courte nuit bien méritée. Au réveil je me demande ce que je fais là. Il me faut quelques instants pour me reconnecter à la réalité. On descend et les bénévoles nous offrent le café. On se prépare à affronter la montée au Mont Caro et surtout la descente.
On décide de rester ensemble jusqu’à tortosa qui marquera le dernier petit déjeuner de l’aventure. Au moment de partir je ne trouve plus mon burner Albion offert dans le racepack. Je retourne de fond en comble le refuge mais impossible de mettre la main dessus. Je suis dégoûté car c’est une sacrée invention et on s’attache bien aux bonnes choses. Cette disparition restera un mystère. Il est 8h30 je pense quand on reprend la route pour le final push. On descend les 3 km jusqu’à l’intersection pour monter les 4 derniers km jusqu’au sommet. Depuis Tortosa ça fait une sacré ascension que j’irais refaire dans des conditions plus humaines. Le vent a légèrement faibli et on découvre de jour ce magnifique sommet qui est le Mont Caro. On arrive au sommet, on prend quelques photos avant d’attaquer la descente. A partir de la mi-descente on commence à croiser les coureurs qui ont attaqué la montée au petit jour.

Les écarts sont conséquents surtout qu’il nous reste 130 km de plat ou presque. On retrouve la civilisation et on va dévaliser notre dernière boulangerie. Toujours des grands moments sous les yeux interloqués des autres clients qui ne comprennent pas le concept de se resservir 3 fois en sucré et salé et de boire 6 expressos avec du coca pour faire passer le tout. On repart et Marc a pris la poudre d’escampette. De suite j’annonce à Bruno que je ne compte pas faire la course car il mérite sa deuxième place et l’unique raison qui fait que je suis à ses côtés est qu’il a pris la bonne décision au niveau de la sécurité de ne pas descendre de nuit le Mont Caro. Il me regarde interloqué et je lui confirme que c’est ma vision du sport. La première partie est plate pour nous emmener au delta de l’Ebre.
Valentin devait regonfler ses pneus pour la 1000eme fois de l’aventure donc on se retrouve avec Bruno à rouler à bon train jusqu’au passage Gravel. On fera l’ensemble des passages gravel à rythme prudent car ça serait dommage de devoir faire les 80 derniers km à pied !
A la sortie des sections gravel Valentin revient sur nous. On attaque l’avant dernière ligne droite avec le front de mer et toutes les stations balnéaires de la Costa del sol catalane.

On reprend de l’avance sur Valentin puis arrive l’avant dernière bosse de la course à 50 km de l’arrivée. Nos chemins se séparent maintenant avec Bruno et je lui confie une mission comme à two volcano : ne pas boire toutes les bières à l’arrivée ! Je me retrouve seul et je
savoure le chemin accompli car l’arrivée se rapproche. J’ai envie d’une bière et d’une glace car il est 13h et j’ai la cafetière qui chauffe. Je checke le suivi live et je vois que j’ai quelques heures d’avance sur le 4ème. En entrant dans Miami plateau je n’ai qu’une obsession : trouver un glacier ouvert. Tellement omnibulé par ma quête je n’avais pas vu Bruno qui était sur le bord de la route en panne de di2. Je ne pensais pas le revoir avant l’arrivée. Je lui explique mon projet de glace bière et je lui propose de venir manger une glace avec moi le temps de brancher son di2. On est en terrasse tranquillement en train de savourer nos glaces et en se rafraîchissant. Valentin passe on lui propose de se joindre à nous mais il nous explique qu’il souffre et qu’il a hâte de finir. Il reste 15 km pour boucler la boucle.
J’invite Bruno à repartir le temps de me faire un second combo glace bière. Il me remercie, je lui répond que c’est juste normal et que si en cyclisme ce genre de pratique est rare dans le trail c’est une des bases de l’esprit trail. J’en profite pour savourer le fait du devoir accompli alors que quelques mois on m’avait dit que l’ultra endurance c’était fini pour moi. Cela ne remplacera pas mon amour pour la haute

montagne et l’ultra de montagne mais quel régal de vivre de telles émotions qui me sont indispensables pour mon équilibre personnel. Il me reste 15 km, je suis partagé entre l’envie de terminer cette aventure et l’envie de continuer. Pas facile de redescendre sur terre après de tels moments qui induisent souvent un sentiment de dépression. Mon fessier me rappelle qu’après 1400 km il est pressé de retrouver sa vie d’avant. La fin de course emprunte des grandes routes est monotone même si à chaque passage de voiture je me rappelle à quel point les catalans sont respectueux des cyclistes. On a un sacré déficit de civisme en France entre les automobilistes et les cyclistes. Je rentre dans Reus et je rejoins l’arrivée. Je suis le 3ème à boucler la boucle. Je retrouve les membres de la french Mafia ainsi que Marc et Joan. Comme je l’avais constaté à la two volcano, la ligne d’arrivée en ultra cyclisme se transforme vite en lieu de détente où les coureurs déjà arrivés attendent les suivants en buvant et en racontant les anecdotes de leur aventure. Bref une ambiance comme je les aime.

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